Cheffe de rubrique, créateur de newsletter ou stagiaire… quatre journalistes culinaires partagent leurs parcours et leurs quotidiens. Loin des clichés, découvrez comment iels ont réussi à mêler leur passion des mots ou de l’image, à celle de la cuisine.
Dans l'imaginaire collectif, un·e journaliste culinaire passe son temps attablé·e aux meilleures tables de France, calepin et stylo à la main, prêt·e à dégainer une critique assassine.
Dans la réalité, le travail de journaliste culinaire est varié, pas toujours glamour, mais passionnant. Pour dévoiler l’envers du clavier, j'ai proposé à plusieurs professionnel·le·s de se prêter au jeu de l’interview.
Entre anecdotes, défis quotidiens et conseils, découvrez leurs parcours fascinants et inspirants.
Ophélie Moisant, journaliste web Cuisine Actuelle :
« Le métier de journaliste est fait pour découvrir le monde. »
C’est après un stage à New-York déterminant, un master de journalisme en alternance et un poste de directrice chez Le Petit Journal Orlando en Floride, qu’Ophélie intègre les colonnes de Cuisine Actuelle.
« Durant mon expérience de directrice pour un journal d’expatrié·e·s, j’avais déjà rédigé un bon nombre d’articles sur la cuisine et rencontré beaucoup de chef·fe·s. »
Au sein de la rédaction, réaliser des reportages culinaires, rédiger des articles recette, des contenus pratiques ou des actualités gastronomiques deviennent son quotidien. En parallèle, elle partage son expertise sur des sujets nutrition et sport sur Femme Actuelle.fr.
Parfois, son métier l'amène à se rendre à des présentations presse, (c’est d’ailleurs lors d’une de ces occasions que l’on s’est rencontrées), ou à rencontrer des chef·fe·s pour recueillir leurs conseils. Ce sont d’ailleurs les papiers qu’elle préfère écrire. « Tu apprends toujours quelque chose. En l’espace de 7 mois, j’ai eu la chance de rencontrer pas moins de 16 chefs·fe·s français·es. Mes plus belles rencontres sont Jeffrey Cagnes et Philippe Etchebest, qui malgré son air sérieux devant les caméras, est très gentil et attentionné. »
En plus de sa passion des mots et de la cuisine, Ophélie maîtrise certaines compétences indispensables pour écrire sur le web. Connaître les règles du SEO, savoir créer un titre accrocheur, être à l’aise avec l’utilisation d’un backoffice… Face à un marché du travail ultra-compétitif, « il faut être préparé·e à se battre ». Selon elle, une bonne connaissance des réseaux sociaux et de quelques techniques de tournage peuvent aussi faire la différence.
« Si j’ai un conseil à donner : foncez, essayez-vous à tout. Que ce soit en TV, radio, print, web… Peu importe le support, peu importe le domaine ! Le métier de journaliste est fait pour découvrir le monde. Explorez. La cuisine reste mon univers favori, mais je ne regrette pas d’avoir exploré différentes thématiques. Partez à la rencontre des gens, même si c’est parfois intimidant, car c’est ça la plus belle partie de notre métier. »
Ezéchiel Zérah, créateur de la newsletter Pomélo :
« L’univers gastronomique suit la même transformation que celui de la mode. »
Ezéchiel est journaliste gastronomique depuis plus de 10 ans. Il a été notamment rédacteur en chef de Z Magazine et a écrit pour Vanity Fair, Les Échos, L’Express... Et encore régulièrement pour M Le Monde. Enfant chéri de la Cité phocéenne, il a publié en 2023 Marseille, un jour sans faim, véritable bible culinaire de la ville. Je l’ai d’ailleurs déjà mentionné dans mes livres coup de cœur de l’été.
En 2019, il fonde Pomélo, LA newsletter consacrée à l’actualité food. Rien n’échappe à l’attention du journaliste.
« C’est un format que j’ai pratiqué dans un média précédent et qui fonctionnait bien. C’est à ce moment-là que j’ai remarqué un réel un intérêt pour les angles “Que s’est-il passé hier, que va-t-il se passer demain ?” ». Autres avantages de la newsletter selon lui : sa flexibilité, la possibilité d'interagir en direct avec les lecteur·rice·s par email, et le fait de se renouveler en permanence.
Car des actus, dans le monde la food, il y en a tous les jours. Celles qui l’intéressent ne relèvent pas de la cuisine pure, mais répondent plutôt aux questions « qu’est-ce qu’il se passe en ce moment et qu’est-ce que cela dit de notre époque ? ». Lors de notre échange, il a notamment fait un parallèle entre l’univers de la gastronomie qui ressemble de plus en plus à celui de la mode. « Je pense notamment aux collaborations entre les chef·ffe·s et les marques qui se multiplient. »
Pour suivre le rythme de publication, Ezéchiel fait un énorme travail de veille sur Instagram, ainsi que dans la presse française et internationale. « C’est un poste de budget important pour la newsletter. L’abonnement à la rubrique food du Financial Times me coûte pas loin de 70 €/mois. »
Un investissement payant puisque 5 ans plus tard, Pomélo est diffusée 4 fois par semaine et séduit près de 7000 lecteur·rice·s. Certains·e·s ont même souscrit à la version payante (à partir de 9 €/ mois) pour lire plus de contenus. Le profil des abonné·e·s ? Les « créatifs de la food au sens large », comprenez, les chef·fe·s, les journalistes, les entrepreneur·e·s…
En septembre, sort d’ailleurs l’un des dossiers les plus attendus de l’année : « Les 200 actus de la rentrée ». Nouvelles adresses, événements culinaires et actus des chefs·fe·s... Vous ne trouverez nulle part ailleurs un aussi gros volume d’informations. Et encore, le rédacteur en chef m’a assuré avoir opéré un looooooong tri.
La date de sortie n’est pas encore fixée, mais on me souffle dans l’oreillette qu’elle devrait être en ligne d’ici les 10 premiers jours de septembre.
Autre projet à venir : la réédition du livre 99 choses à goûter à Paris, disponible chez Flammarion à partir du 30 octobre.
En attendant, vous pouvez également retrouver Ezéchiel et ses bonnes adresses sur son compte Instagram @croquemarseille.
Marjolaine Daguerre, cheffe de rubrique ELLE à Table Elle.fr : « Tous les sujets sont possibles car tout est inspiration. »
Marjolaine travaille pour la rubrique depuis plus de 13 ans, soit une éternité dans le monde du journalisme web. C’est elle qui m’a recruté pour stage en 2021 puis pour mon premier contrat professionnel. Je lui voue, depuis ce jour, une reconnaissance éternelle.
Elle-même a pourtant commencé sa carrière en tant que monteuse. Très rapidement cependant, sa passion pour la cuisine prend de plus en plus de place. « Marjo » (pour les intimes) cuisine et « vit » la cuisine. « J’adorais écrire, alors me diriger vers le journalisme culinaire m’est finalement apparu comme une évidence. »
C’est en 2011 qu’elle saute le pas, en intégrant la rédaction Elle.fr et sa rubrique Elle à table, avant d'en devenir la cheffe de rubrique en 2019.
Ses missions, elle les classent dans plusieurs catégories.
Premièrement, animer la rubrique. Ce qui se traduit par les mises à jour de la page d’accueil, la préparation et l’envoi des newsletters, la mise en avant des sujets…
Ensuite, la relecture des sujets. Avec son oeil acéré, Marjolaine chasse, traque, débusque les fautes d’orthographe et les mots oubliés. (Je peux prédire que s’il y a une faute dans cet article, elle m’en informera en moins de 2 min.)
Chez ELLE, c’est un peu la « Madame Orthographe ». Sa correction préférée ? « On amène quelqu’un et on apporte quelque chose. » J’ai définitivement éliminé certaines fautes grâce à elle. En plus de l’orthographe, elle vérifie également l’angle du sujet, l’exactitude des informations, la cohérence, etc.
Dernier point, mais non des moindres : le suivi des audiences. Le nerf de la guerre en fin de compte. « En cuisine, c’est fortement lié aux marronniers [ce sont des thèmes qui reviennent tous les ans comme Pâques ou la cuisine estivale, NDLR. ] Les sujets de saison et de fêtes sont fédérateurs, Noël en particulier. » J’ai d’ailleurs personnellement élu cette période la moins reposante de l’année, tant cette période est chargée pour un·e journaliste culinaire.
Les émissions de cuisine comme Top Chef ou des tendances culinaires suscitent également l’engouement. D’ailleurs, j’ai demandé à Marjolaine quelle a été sa tendance culinaire préférée. Sa réponse : « Le gâteau magique reste un hit qui a tout balayé sur son passage ».
Le reste du temps, la cheffe de rubrique choisit ses sujets selon ses envies du moment. « Je suis inspirée par un mot de cuisine que personne ne connaît, ou j’écoute un podcast sur une recette méconnue, et j’en fais un article. Tous les sujets sont possibles car tout est inspiration ! »
Aussi, les conférences de rédaction sont un moment essentiel dans sa semaine. « Cette partie est primordiale parce que les idées de sujets découlent souvent de ces échanges. C’est dans ces moments qu’on remarque les tendances qui émergent ou les sujets de fonds à traiter. L’échange et la transmission, c’est ce que je préfère. »
Ça, et apporter de la légèreté et de l’humour dans ce qu’elle écrit. « J’ai de la chance de travailler sur une rubrique qui donne de la joie, alors j’essaie d’en infuser un maximum dans mes articles. »
Un humour contagieux qui se retrouve dans ses articles, mais aussi sur son blog Mauricette, où elle publie ses recettes très très très gourmandes. C’est simple, je ne fais qu’un seul fondant au chocolat, le sien ! Plus exactement un fondant baulois, à se damner.
Vous pouvez également découvrir d’autres de ses recettes de lasagnes, brioches, pizzas naans ou jus dans ses livres parus chez Hachette Pratique
Églantine Bourgueil, assistante édito/rédaction BBC Studios, « C’est ça, que je veux faire. »
Plus qu’un loisir, la cuisine est une véritable passion pour l'apprentie journaliste.
Après avoir enchaîné les stages en restauration en France et à l’étranger, et passé des concours d’entrée dans des écoles de cuisine… C’est finalement en découvrant les chroniques gastronomiques de François-Régis Gaudry qu’Églantine a eu le déclic : « C’est ça, que je veux faire. »
Grâce à son bachelor en journalisme, elle a pu aborder les différentes facettes de ce métier. « Télévision, radio ou presse écrite, j’ai un peu touché à tout. »
Son premier stage, elle le fait dans une radio locale pour laquelle elle enregistre des chroniques hebdomadaires. Portraits de chef·fe·s, points santé et nutrition, reportages et actualités gourmandes, elle créé pour la première fois son propre contenu.
« C’était une véritable opportunité de découvrir le métier, tout en parlant de mon sujet de prédilection. J’ai pu en plus y développer mon réseau. »
Après la radio, Églantine passe aux magazines de cuisine. Ses missions, variées, l'amènent à créer des recettes, réaliser des interviews et des reportages. Une expérience qu’elle décrit comme « un rêve devenu réalité ».
Actuellement, elle effectue un stage chez BBC Studios France et participe au tournage du Meilleur Pâtissier. « De la préparation à la post-production, je découvre tous les rouages du métier. »
Si ces expériences positives ont renforcé son envie d’intégrer le monde du journalisme culinaire, elle ne compte pas se lancer tout de suite. « J’aimerais d’abord obtenir un CAP Cuisine et Pâtisserie, pour renforcer mes bases, ainsi qu’un master Boire, Manger et Vivre », pour aborder l’alimentation sous un angle sociologique et historique.
À côté de ses études, Églantine a également créé « Qui met la table ? », à retrouver en podcast et sur Instagram. Un média qu’elle souhaite encore développer et enrichir de reportages et découvertes.
À terme, elle rêve de joindre sa passion pour le podcast et la cuisine en ouvrant un café-restaurant, où elle pourrait enregistrer ses émissions.
Comme vous avez pu le lire, les façons d'exercer le métier de journalisme culinaire sont variées, dépendantes de nos appétences et aspirations. Notre point commun à tous·tes ? Un amour insatiable pour la cuisine.
Un immense merci à Ophélie, Ezéchiel, Marjolaine et Églantine d’avoir répondu à mes questions, ainsi qu’à vous lecteur·rice·s, pour votre intérêt !
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